Pierre Coste
Source sulfureuse
Itinéraires géologiques (3)
vendredi 13 novembre 2009
« Sce sulfureuse », indique la carte IGN de 1953, et le géomètre a dessiné une petite goutte bleue, 400 m en aval du pont du Moulin Bas, en rive gauche de la Laye, tout contre la rivière. (Celle-ci, avant le barrage, serpentait sur plus d’un kilomètre, bordée d’arbres, dans une vallée presque plate et verdoyante.) 14 septembre, grosses pluies annoncées, qui mettront fin à l’été sec. Si je veux la voir, c’est aujourd’hui. Depuis le pont, je descends sur l’épais limon craquelé. La Laye est complètement à sec. Je marche 400 pas, un peu amples. Et voilà soudain dans le thalweg une petite flaque, vivante, animée par l’eau qui a crevé la base du mur de limon, et s’étale, ondulante, nourrit tranquillement le lit vers l’aval. Accrochés entre deux eaux, les filaments blanchâtres caractéristiques des eaux sulfatées que le pharmacien Eugène Plauchud en 1877 devant l’Athénée de Forcalquier décrivait et nommait : conferves.
Jeanine Bourvéau avait déjà vu et photographié la source de la Laye au fond du lac vide en septembre 1998. Elle crevait alors la surface de la croûte de limon. Et Jean-Yves Royer m’a plusieurs fois raconté qu’avant le barrage ils allaient rituellement en famille à la source sulfureuse, pleine de vertus dépuratives, en buvaient un verre en faisant la grimace, en remplissaient une bouteille qu’on ramenait à la maison, qui restait quelque temps intacte sur la cheminée puis dont le contenu était vidé dans la pile.
Forcalquier, vallée de la Laye, 13 septembre 2009.
Toujours en préparant l’édition du livre de Gabriel Conte, Le Pays de Forcalquier : son lac, sa mer.